Petites peurs sur grand écran

Posted by By at 3 janvier, at 10 : 05 Print

Il est minuit devant le manoir du bailli.
La lune éclaire confusément un jardin à l’imposante statuaire.
Elle projette des ombres étranges sous nos yeux ébahis,
Donnant au décor de sombres airs de monument mortuaire.

On pousse une grille bancale lourdement ouvragée.
Le métal crisse, grince et gémit sous son poids.
Tel un drap qu’on déchire,
Un infâme désordre sonore dans le silence de la nuit.

Des nuages aux formes grossières traversent un ciel sans étoile
Et comme une prémonition, nos corps s’emplissent de frissons.

La peur au ventre, un nœud dans les tripes,
Chaque craquement, chaque murmure nous angoisse…

Une sécheresse lunaire réduit la terre en fine poussière qui se soulève sous nos pas.

Soudain se dresse l’imposant perron, des colonnes de marbre qui ceinturent la maison.Des fenêtres closes, des volets qui craquent sous la brise menaçante.
Des spectres de rosiers, pétales morts des roses, épines mordantes.
Des jardinières en terre, de vastes vasques de grès,
Les ronces y prospèrent et y croissent à leur gré.

La main de l’homme ne passant plus,
La part des ténèbres reprend son dû.

La porte est massive, faite d’immenses panneaux de métal rouillé.
On s’use la paume sur la poignée, car elle est bien verrouillée.

Il faut contourner l’obstacle, trouver un carreau cassé,
La moindre ouverture qui nous permettrait de pouvoir entrer.

Sur la gauche, une persienne ébranlée,
Nous écartons les planches pourries et les toiles d’araignées.

Quelqu’un jette une pierre, bris de verre, et ouvre la fenêtre.
Dans le faisceau de nos lampes, des meubles sous des houses,
Tel un mobilier fantôme, une mémoire qui s’élance à nos trousses.
Dans les reflets d’un miroir aux moulures baroques,
Nos pinceaux de lumière tracent des figures équivoques.

Nous sommes dans le hall d’entrée.
Un escalier gigantesque donne accès aux étages,
Mais les marches hors d’âge,
Ne donne guère envie d’y monter.
La moquette est si épaisse qu’elle aspire nos pas dans un silence de chapelle.
Seul le vent fait entendre sa voix, il nous appelle.

Des portraits d’ancêtres, des trophées de chasse, des tapisseries poussiéreuses
Emplissent l’atmosphère d’une horreur rampante et poisseuse.

Scènes de batailles passées, sang des trépassés, drames et fins funestes.

L’escalier débouche sur un long couloir
Sans autres ouvertures qu’une interminable enfilade de chambres.

Une par une nous les visitons et chaque fois, la même angoisse qui suinte.
Aucune n’est vraiment identique, mais chaque fois, c’est la même crainte.

Une tristesse infinie habite chaque pan de cette bâtisse,
Il n’est pas de recoins où l’on ne sente le chagrin qui perle de ses murs.

Une dernière porte.
Non, n’insistons pas, partons d’ici.
Pourquoi vouloir précisément ouvrir celle-ci ?

Un tisonnier va nous servir de pied-de-biche.
Le bois craque, le métal ploie et d’un coup la porte cède.

Alors dans un hurlement général, une épouvante indicible,
On voit des choses que jamais personne ne voudrait voir
Et depuis, on a peur dans le noir, on a peur dans le noir.

in Bikini Proses / Fragments gothiques
Version live multimédia par ANA (Laurent Rodriguez, Sylvain Duigou & Yves Bommenel)

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