Malédiction
Posted by By bobie at 16 mars, at 11 : 53 AM Print
Des coïncidences, de sinistres coïncidences… Les événements de ces derniers mois auraient pu effrayer un esprit peu cartésien. Pas elle. Certes elle s’était posé des questions, avait pesté contre le hasard et les tristes sires, mais sa rationalité sans faille avait tôt fait de classer ces menus tracas au rayon des superstitions. Il ne lui vînt des doutes que la veille du troisième jour. Pourtant, sans qu’elle ne puisse le deviner, il était déjà trop tard.
Elle avait passé sa journée comme à son habitude, courant d’un bureau à l’autre, donnant des ordres secs, le téléphone d’une main, un café froid dans l’autre. Le poste à responsabilité qu’elle occupait désormais représentait plus qu’un aboutissement dans son parcours acharné, la preuve éclatante de sa volonté farouche, de son mordant. Carriériste ? Elle prenait cela pour un compliment. Dans son éthique de la réussite, écraser la concurrence, tracer son chemin à la machette sans se soucier des têtes qui tombent et des dégâts collatéraux faisaient partie de la règle du jeu. Tant pis pour les faibles, elle se sentait dominante, au sommet hormonal de la pyramide, à la tête de la meute.
Pourquoi diable cette plaisanterie d’un goût douteux la mettait dans un tel malaise ? Pourquoi avait-elle défailli en ouvrant le cercueil miniature qui contenait l’horrible poupée vaudoue ? Elle avait déjà reçu des menaces, des colifichets sordides, des insultes et diverses sorcelleries de bas de gamme, rien de tout cela ne l’avait effrayé. Soudain elle s’écroula en sanglots. Recroquevillée à même le sol, elle pleurait à chaudes larmes. Chaque trait de son visage d’habitude si froid exprimait la panique. Son maquillage délavé lui donnait un air de folle furieuse, de pauvre hère abandonné. Comment avaient-ils pu le deviner ? Comment avaient-ils pu savoir ? Ce secret connu d’elle seule, cette tache indélébile… Suffocant dans ses sanglots, elle toussa. Le caillot de sang et de bave qu’elle expulsa vînt maculer le carrelage immaculé de sa cuisine. C’en était donc fini.
in Le Mandala de la terreur