Au plasma des écrans mes yeux se sont gâtés et c’est deux astres creux que masque mon regard. Pour ce double aveugle, les couleurs n’ont point fané, elles ont juste mutées, offrant l’hallucination d’un nuancier de téléviseur détraqué aux fragrances à jamais lysergiques. Ainsi le monde ne m’apparait ni plus gai, ni plus triste, mais tout aussi acide qu’un champ de diodes sous l’orage en furie. Le temps aidant, je m’y suis habitué, oubliant chaque jour davantage les reflets roux de l’automne, la blondeur des blés, l’azur d’un printemps, la blancheur de l’hiver. Des flots d’étincelles, des copeaux d’octets crépitent sans cesse dans cet âtre. Un brasier numérisé sous l’influence d’une fièvre ardente. Un virus malingre qui creuse son sillon dans le nerf optique et décortique ma rétine. Un univers de saturation nerveuse sans volupté ni perversion. Ni psychose, ni thérapie, comme un lent cheminement vers une heureuse folie. Une chute vers la face cachée de l’arc en ciel. Une éruption solaire aux confins de Jupiter sous un bombardement de météorites. Une nuit de feu-follets.