Un soir d’hiver caniculaire, j’ai vu de la lumière et je suis entré.
Entré en moi-même,
Derrière le rideau clos de mes paupières lourdes,
Cadenassées par mes craintes et mes peurs.
Le boyau tortueux qui menait à mes synapses n’était que d’ombre et de couleurs.
Une sensation tactile, plus qu’un état de conscience.
Au plus profond de moi, il me fallait me perdre, pousser par je ne sais quelle force impérieuse
à laquelle je ne pouvais me soustraire, mes humeurs sombres étant attirées vers le fond
Comme de la limaille de fer par un aimant puissant.
Pour ce voyage en introspection, je ne me sentais pas seul.
Il flottait autour de moi, l’infinie cohorte évanescente de mes morts.
Ces êtres chers, ces inconnus, ces faits divers, qu’au cour de ma vie j’avais croisé.
Nulle animosité, nulle empathie dans leur escorte,
Mais on devinait l’intense curiosité qui les animait.
Les morts n’ont pas d’yeux.
Ils vous fixent de leurs orbites creuses.
Mais vous n’en savez rien car ils ne sont que spectre, éther ou ectoplasme,
Plus proche pour nous d’un gaz que de l’être humain qu’ils furent à nos côtés.
Au terme de mon errance dans les couloirs de mon subconscient,
une grande paix m’envahit telle une chaleur électrique…
Je fus soudain dans une plaine cotonneuse. Un espace vallonné où la foule des défunts séjournait.
Cet agora, ce cimetière, voilà donc où leurs esprits reposaient en paix.
Peut-être n’est-il d’outre-tombe que dans nos souvenirs
Et d’au-delà que celui qui les maintient en vie dans nos mémoires ?
Capsule spatiale, nécropole de chair, voilà ce que nous sommes.
Il n’y a ainsi de meilleure Toussaint que le culte des siens en son propre sein.