Mélancolie sylvestre

Posted by By at 15 mars, at 11 : 13 Print

Comme soufflés par une déflagration nucléaire, les hauts sapins gisaient à terre. On aurait dit des géants déchus, des divinités païennes tombées en disgrâce. La base de certains troncs déchiquetés à hauteur d’Homme attestait silencieusement de la violence du blast. Les fibres de cellulose formaient des pics hérissés, des échardes acérées qui menaçaient le ciel de leur terrestre courroux. Quel désastre. En lisière de la trouée, des animaux perdus s’aventuraient parfois. Vaguement inquiets, ils cherchaient à retrouver un relent de vie, un souvenir olfactif du passé déjà enfui. Étrangement les arbres étaient tous alignés. La saignée formait un couloir où les résineux s’étaient abattus tels des dominos, une sorte de mikado colossal. L’air lui-même était chargé de leur odeur forte mêlée de senteurs forestières, l’humus, la sciure…
On entendait au loin le rugissement métallique d’une autre tronçonneuse. On devinait dans sa complainte la morsure vorace des dents de métal. Il fallait sécuriser les sous-bois, permettre à nouveau la circulation. L’accès à la forêt était réglementé, ça et là des végétaux mutilés menaçants de choir à tout moment. La tâche serait immense, il faudrait des siècles de labeur pour rendre à la montagne son visage d’autrefois, celui d’hier encore.
La tête perdue dans ses pensées maussades, il enchaînait les coupes mécaniquement tel un automate égaré au cœur du chaos. L’habitude érode notre perception du danger, le spleen émousse nos sens. Un instant d’inattention et les crocs acérés entament votre chair dans un geyser d’hémoglobine…

in Le Mandala de la terreur

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