Brumes et sortilèges

Posted by By at 23 avril, at 08 : 27 Print

Telle une toile d’araignée, un voile de brouillard tissait son entrelacs de gouttelettes d’eau au fond du gouffre. Coincé entre la roche et l’à-pic, un sentier caillouteux et étroit dégringolait du plateau calcaire pour disparaître dans un labyrinthe de lianes défiant le vertige. La forêt dense à flanc de coteau formait un tout homogène, un Léviathan végétal aux desseins mystérieux. On pouvait l’entendre respirer, la sentir croître à nos dépens.
Depuis longtemps déjà, nous avions mangé nos mules et bu les plus étranges breuvages. La survie en milieu hostile impose ses règles, même aux plus civilisés. Au creux d’un vallon, le crâne d’un singe mort nous était apparu comme un heureux pressage, la preuve lysergique que nous faisions finalement bonne route. Hélas…
Je ne sais qui de nous s’en fut le premier, mais à compter de ce matin cruel, rien ne fut comme avant. Un silence de cauchemar avait fait place au vacarme des oiseaux dans la cathédrale tropicale. Dans la masse compacte des végétaux en putréfaction, un à un s’évanouirent mes compagnons et bientôt je fus seul à grelotter de peur. Et puis je ne fus plus.
Au jardin défendu, à jamais errent nos âmes défuntes et dans le rire du torrent, se perdent les plaintes des damnées.

In Le Mandala de la terreur

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